
Bien loin de n'être que l'outil d'un pré-ado non-encore totalement cérébré, le smiley permet ou peut permettre un enrichissement non négligeable du texte dans lequel il s'insère. Faisant cela, il mérite d'être considéré comme un outil d'amélioration linguistique et d'être analysé comme tel.
Il faut en convenir, le signifiant qu'est le smiley renvoit à son signifié, à un concept donc, qu'il serait bien délicat de reproduire avec nos outils linguistiques traditionnels.
Ainsi, insérer un " :-) " dans une conversation revêt une signification qui retranscrite en français pourrait être "remarque que mes propos sont sincèrement sympathiques". Vous en conviendrez il est premièrement difficile d'opérer à la traduction - certainement car le symbole renvoit à un état mental par définition instable et non un objet -, et deuxièmement à considérer que l'on puisse fidèlement retranscrire le signifié l'utilisation en serait pesante et plutôt malvenue dans une conversation. En poursuivant, on peut oser un déchiffrage du " ;-) " qui reprend souvent l'idée du premier, y ajoutant simplement une dose de complicité, donc d'exclusivité de la relation. Dans la même analyse, le " :-( " s'éloigne d'autant plus d'une synonymie de tristesse qu'il marque un résultat dommageable ou un regret.
A travers ces exemples et en corrolaire à cette analyse, on voit bien le sens particulier que l'usage a donné au symbole, qui s'est donc déjà détaché légèrement de leurs interprétations de prime abord: " :-) " est la représentation d'un visage souriant qui semble à première vue vouloir dire : "je suis heureux" (différent déjà donc de "mes propos sont sympathiques"), le " :-( " s'étant donc détaché du "je suis triste" pour se rapprocher d'un "c'est dommage" (bien qu'un lien de cause à effet puisse être tracé, les sens revêtus n'en sont pas pour autant parfaitement synonymes). Ce qui frappera bien entendu est qu'avec l'intense usage de ces symboles la variation au fil du temps de leur sens est extrêmement rapide relativement à la langue traditionnelle, ou l'unité de mesure de l'évolution est plus certainement proche de la décennie. Mais malgré cette fulgurance propre aux nouveaux usages qu'engendre l'internet, il est à noter que si la plupart des utilisateurs ne conceptualisent pas l'outil ici décrit, leur inconscient ne souffre en général d'aucune difficulté à maîtriser le sens rapidement évolutif des smileys dès qu'ils les utilisent.
Mais surtout, de ce simple constat - l'amélioration de la communication sous son approche discursive - ce nouvel outil linguistique n'a pas à être frappé d'opprobre, pas plus que leurs utilisateurs qui ce faisant communiquent mieux. Car ces apparitions sont à mettre dans le même ordre d'idée que celles plus anciennes mais à l'apport indiscuté, les symboles d'exclamation. Leur utilisation a marqué de noblesse nombre de langues dont la notre, et leur procédé est identique au smiley en permettant à la communication écrite de se rapprocher de la richesse de la communication orale par l'intermédiaire d'un artifice qui en tant que tel n'a pas à être jugé (on pourra se souvenir de Céline... par exemple...). La symbolique est née avec la communication civisationnelle et la réciproque est très certainement vraie. La différence, peut-être de taille dans l'acceptation qui sera faite de l'outil, est qu'ici c'est la base des utilisateurs qui peut prétendre l'imposer aux canons de la langue et non plus une élite académicienne jugeant seule de la terminologie linguistique. Car si d'autres productions de cette base comme les abréviations ou l'anglicisme marquent un appauvrissement de la langue voire un apport très discutable, les smileys en sont un enrichissement en ce qu'il permettent de communiquer ce qui était incommuniqué auparavent (et non pas incommunicable preuve ici en est).
Une juste logique de la révolution internet qui bouleverse les usages en laissant l'effervescence populaire s'en emparer. Peut-être dans peu de temps verrons-nous de la littérature de qualité (reste à voir si l'applicabilité de l'outil peut s'étendre au-delà de la retranscription d'une communication orale) s'appuyant sur un outil qui aujourd'hui paraitrait certainement des plus surprenants.
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